Après tout ce temps... [PV]

Tickyness : 26 Ticky ? : You suck !

Cela faisait quelques heures à peine que Cho avait réussi à intégrer le manoir. Elle n'était pas là pour jouer, gagner un fabuleux prix ou simplement montrer sa bravoure. Non. On aurait presque pu dire qu'elle avait atterri là un peu par hasard. Un hasard qui portait le nom de Kaemon Yamaguchi. Mais aussi le doux nom de Mei. Le père et la fille. Une simple question de cette dernière avait fait s'écrouler le monde doré de Cho qui voulait retrouver son amant d'un temps. Cette recherche était devenue une priorité pour elle, comme si le retrouver et tout lui avouer marquerait un nouveau commencement à sa vie. En attendant le rapport du détective privé qu'elle avait engagé, elle avait imaginé bien des vies à Kaemon. Elle le voyait en homme fiancé, ne se souvenant plus d'elle. En simple étudiant qui se fondait dans la masse. En poète perdu, peut-être tiraillé entre son désir de liberté et ses obligations familiales. Elle était bien loin du compte. Le jeune homme si doux qu'elle avait connu avait apparemment sombré dans le désespoir, se retrouvant à la rue. Un junkie paumé. Pas le genre de type qu'on imagine présenter à sa fille. Encore moins quand un inconnu vous a appris que sa déchéance a commencé après son renvoi du lycée, six ans auparavant. Une pensée qui avait serré le coeur de la jeune mère à l'époque et lui serrait encore dès qu'elle traversait son esprit.

Malgré tout le chemin qu'elle avait parcouru pour retrouver Kaemon, Cho appréhendait plus que tout leur rencontre. Pourtant, il lui était difficile de ne pas y penser, surtout quand elle errait ainsi en tentant de trouver son chemin à travers des pièces toutes plus étranges les unes que les autres. Deux ou trois fois, elle avait sursauté en entendant un cri au loin ou voyant des lettres peintes de sang sur les murs, demandant de l'aide. Certes, le ton avait été donné dès son entrée même dans le jeu mais Cho n'avait pas pu cesser d'espérer que tout ce petit jeu avec une bombe n'était qu'une blague grotesque. Et là, on frôlait l'horreur. Oh, bien sûr, n'importe quel observateur extérieur aurait rit en entendant parler d'un tel mot, mais la jeune asiatique était prête à parier que tous les candidats auraient utilisé ce mot pour définir le manoir. Elle se contentait pourtant pour le moment d'errer dans les couloirs, tentant de prendre ses marques dans cet endroit où tout portait à croire qu'elle devrait lutter pour survivre. Cho était une fine observatrice et espérait que son sens de l'observation lui permettrait de venir à bout des méandres de ce lieu, quand bien même sa route était pour le moment dictée par les lois du plus parfait hasard.

Après avoir monté des escaliers, elle prit la quatrième porte à droite, découvrant un spectacle pour le moins inattendu. Des coussins, encore et encore. Du sol au plafond. Cho arqua un sourcil, se demandant quel était le piège dans cette histoire. Elle hésita quelques longues secondes, tiraillée entre ses jambes qui commençaient à ressentir la fatigue et sa crainte de devenir prisonnière d'un nouveau piège. Ce fut la fatigue qui eut raison d'elle qui ne put résister à l'appel de tous ces coussins moelleux où se délasser. Elle pénétra donc dans la pièce, cherchant un endroit où se poser, autrement dit un endroit où elle ne serait pas trop visible. Juste au cas où. Seulement, elle n'en trouva pas véritablement un et, en désespoir de cause, elle finit par s'asseoir presque au milieu de la pièce. Lasse, elle ne mit pas longtemps à s'allonger sur ces coussins si confortables. Presque somnolente, ses yeux se fermaient peu à peu. Elle luttait tant bien que mal, bien trop effrayée à l'idée d'être égorgée pendant son sommeil. Pourtant, elle ne put s'empêcher de les fermer, les rouvrant subitement, elle ne sut combien de temps elle avait somnolé mais elle était presque sure d'une chose : la porte s'était ouverte. Quelqu'un venait d'entrer. Elle se redressa légèrement, tâchant de se montrer la plus discrète possible, pour vérifier si elle avait raison ou pas. Pourtant, son coeur se stoppa net quelques secondes quand elle identifia la silhouette qui était entrée. Kaemon. Déjà, enfin. Que faire ? Que dire ? Elle ne savait plus et mourait d'envie de disparaître en cet instant. Dire qu'elle y avait pensé encore et encore, ruminant dans tous les sens les possibilités infimes de scénarios. Et là, la voici totalement désemparée face à cet homme si familier et si étranger à la fois.

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Kaemon essayait de tuer le temps, mais le temps se tue tout seul, emportant avec lui le rire des enfants. Dans le fond, qu’importe ce que tu es et ce que tu fais, la fin est la même pour tous. Certain croient que leur action sur terre conditionnera la suite de leur voyage, au paradis pour les bonnes âmes, en enfer pour les mauvaises. Kaemon lui ne croit pas en tout cela, il ne croit plus en rien et c’est précisément ce manque de repère qui le fait sombrer. Il n’a rien pour le maintenir à flot. Il n’a aucune raison de vivre, aucune raison de mourir non plus. Il déteste les gens et les gens le détestent. Il s’oppose aux autres, position personnelle ou ironie du sort ? Il ne le sait plus lui-même. Il ne lui reste plus que ça, la haine et la rancœur. Alors il les utilise à foison, tentant de se persuader que cela vaut mieux. A quoi bon être quelqu’un d’authentique, si c’est pour être toujours seul ? Au fond, sûrement aurait-il aimé lui aussi avoir un encrage, aussi stupide soit-il. Croire en Dieu, au paradis et à l’enfer, même si tout cela ne sont que des leurres. Devenir comme ces personnes qu’il déteste tant. Peut-être parce que dans le fond, il les envie ? … Peut-être cette vie aurait-elle été moins détestable. Mais, c’est trop tard pour lui à présent. Il perd pied chaque jour un peu plus… ne sachant plus très bien si il mise noir ou blanc. Dans le fond, quelle importance. Cela ne changera rien à son insignifiante existence. Toutes les existences sont insignifiantes, après il s’agit de s’en rendre compte ou non. L’imbécile est infiniment plus heureux que lui. Elle, doit être infiniment plus heureuse que lui. Elle a choisi son univers doré, abaissant du même coup celui de Kaemon plus bas que terre. Sa désillusion c’est à elle qu’il la doit. Son mensonge l’a précipité vers une chute inexorable, vers une vérité crue, trop dure à supporter. Et maintenant, il ne peut plus revenir en arrière. On l’a jeté vers le fond et le jeune homme se défend avec les seuls armes qui lui reste, soit le mépris et la haine. Ils les détestent tous, mais plus particulièrement, il la déteste. Elle qui lui avait donné tant d’espoir lui avait tout repris aussi sec…

Une déferlante de pluie s’abattit bientôt sur Kaemon, comme pour l’humilier toujours un peu plus. Il ne bougea pas, les yeux fixés sur ce maudit ciel. Il était un peu comme ces gouttes… bannit du royaume céleste, entraîné de force vers une inexorable chute. Le jeune homme resta là plusieurs minutes puis, exaspéré, se leva. Il considéra quelques instants la trace –tragiquement fantomatique- que son corps avait laissé sur l’herbe et traîna les pieds jusqu’aux portes du manoir. Prisonnier corps et âme. D’un pas las le jeune homme traversa le hall et entama péniblement la montée de l’escalier. Pour une fois, il avait une destination en tête : la salle remplie de coussins. Il souhaitait se jeter en travers de cet amas moelleux et dormir. Il était fatigué, extrêmement fatigué ; comme un petit vieux qui aurait subit avec fracas l’usure des années. Enfin Kaemon arriva en haut des marches et prit la direction de la salle aux coussins. En entrant dans la pièce, le jeune homme constata désagréablement qu’une personne s’y trouvait déjà. Au bruit qu’il fit en refermant la porte, la dite personne se redressa. De grands yeux bruns, soulignés d'un trait de knôl, des lèvres pleines, rosées… il connaissait ce visage. Malgré les six-années qui s’était écoulé, Kaemon aurait difficilement pu se tromper. La femme qui se tenait allongée devant lui était la représentation même de Cho, celle même qui nourrissait toute sa haine. Ce constat, aussi étrange qu’effroyable, s’imposa si violemment dans l’esprit de Kaemon, qu’il fut l’espace d’un instant incapable de bouger, de parler, de réfléchir, ou quoi que ce soit d’autre. Les yeux rivés sur ce visage, il en examinait les moindres détails. Il aurait voulu arracher les yeux de cette jeune asiatique, lui déraciner un à un les cheveux, planter dans sa chair les aiguilles de son ressentiment en espérant la voir souffrir, autant que lui avait souffert. Non, encore bien plus que lui. A ce moment, Il aurait tellement voulu que ce soit véritablement Cho, et non sa représentation, pour pouvoir donner libre court aux pulsions meurtrières et vengeresse qui fourmillaient dans tout son corps. En effet, la jeune asiatique qui lui faisait face ne pouvait être qu’une représentation, il semblait parfaitement impossible que Cho Saito se trouva dans ce manoir, domicile de toutes les décadences. Son amante d’un temps était bien loin de tout cela, accrochée férocement à sa vie de luxe, son univers faux et verni. Il ne le savait que trop bien… elle avait trahit Kaemon pour se voir garder tous ses privilèges. Kaemon détacha son regard de la jeune femme, s’obligeant à regarder ailleurs. Quelqu’un jouait avec ses nerfs, sans aucun doute…

- Comment tu t’appelles ? »

Il avait besoin de connaître son prénom afin de pouvoir clairement établir une barrière entre Cho et cette femme. Une barrière à leur ressemblance. Quelque chose qui empêcherait Kaemon de vouloir faire payer à cette inconnue, les torts d’une autre. Quelque chose pour le ramener à la raison…

Spoiler:

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Cho se redressa légèrement, ne détachant pas ses yeux de Kaemon, quand bien même elle mourait d'envie de le faire. Il ne ressemblait en rien au Kaemon qu'elle avait connu, celui-là même qu'elle avait fait disparaître et qui lui en voulait certainement plus qu'à quiconque sur cette terre pour ce qu'il était devenu. Si avant elle appréhendait leur rencontre, voir la réaction de Kaemon, lire dans ses yeux et sur chacun des traits de son visage la haine et le ressentiment qu'il éprouvait à son égard, lui donnait envie de s'enfuir en courant, disparaître par on ne sait quelle manière. Qui sait, peut-être y avait-il un passage caché ici ? Elle aurait bien voulu vérifier cela mais s'avérait bien incapable de détacher les yeux de celui qui s'avérait être le père de sa fille. Qu'espérait-elle obtenir ainsi ? Peut-être reculer autant que possible le dur moment où il faudra parler. La confrontation autant attendue que redoutée. Mais il ne fallait pas se leurrer, maintenant qu'elle l'avait retrouvé, quand bien même cela s'était fait beaucoup plus rapidement qu'elle ne l'aurait souhaité, elle ne pourrait que gagner quelques secondes. Kaemon détourna le regard, mettant fin à leur attente silencieuse. Cho se contenta de baisser légèrement les yeux, prête à entendre n'importe quoi. Si avant elle n'avait pensé la naissance de Mei que de son côté à elle, elle avait réalisé que son mensonge égoïste avait été une véritable trahison pour lui. Le genre de choses dont elle n'était pas fière, à tel point qu'elle se demandait si elle avait eu raison de venir ici, si, tout compte fait, il ne valait mieux pas que Kaemon ignore tout de Mei. La voix du jeune homme s'éleva. Elle releva immédiatement les yeux vers lui avant de détourner aussitôt le regard. Lui demander son nom ? Où voulait-il en venir ? Est-ce qu'il ne l'avait pas reconnue ? Non, c'était impossible... Ça crevait les yeux qu'il se contenait pour ne pas lui sauter à la gorge et l'étriper. Il savait qui elle était et pourtant il doutait. Que croyait-il alors ? Que quelqu'un veuille lui jouer un sale tour en introduisant une fille qui lui ressemblait ? A bien y réfléchir, la chose ne serait pas impossible. Après tout, on l'avait bien foutue dans une pièce noire avec une bombe... Et ceci n'était sûrement que le début des réjouissances ! Elle était prête à le parier.

Une idée lui traversa alors l'esprit. Pourrait-elle se faire passer pour quelqu'un d'autre ? La solution était envisageable quand on y réfléchissait bien, après tout. Cela lui éviterait d'ailleurs à avoir à l'affronter. Mais, elle savait aussi qu'elle se leurrerait bien en procédant ainsi. Après tout, elle n'était pas là pour le plaisir. Non, il fallait qu'elle lui parle de Mei. Elle n'espérait pas qu'il lui pardonne son attitude mais au moins qu'il lui laisse le temps de lui expliquer toute l'histoire. En gros, qu'il ne la tue pas tout de suite. Et ce n'était pas en lui mentant d'entrée de jeu qu'elle pourrait gagner suffisamment sa confiance afin qu'il l'écoute. La jeune femme soupira donc et se redressa. Il était certainement préférable d'être debout pour parler avec lui. Elle hésita un instant avant de relever les yeux vers lui, quand bien même il s'attachait à éviter soigneusement de la regarder. Cho savait bien qu'il n'y avait aucun bon moyen d'aborder le sujet, aucune réponse ne serait préférable à une autre. Aussi se contenta-t-elle de lui répondre :

"Kaemon..."

Elle s'arrêta aussitôt, réalisant que sa voix était bien plus faible qu'elle ne le voulait, légèrement étranglée. Elle inspira pour se reprendre et continuer :

"Kaemon... Tu dois m'en vouloir... Enfin, je sais que tu m'en veux mais..."

Elle se tut. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien dire pour se justifier ? Rien du tout. Dire qu'elle voulait le retrouver parce qu'il avait une fille et qu'elle avait besoin qu'il lui pardonne au moins serait juste. Mais avouons-le, annoncer ça de but en blanc après six ans, ce n'était pas l'idéal. Instinctivement, elle se mordilla la langue en détournant le regard, s'attendant à une réaction de sa part. Enfin, elle espérait qu'il réagisse autrement qu'en l'ignorant... Parler à un mur n'était pas la spécialité de notre brave Cho.

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La jeune asiatique se releva, alors que Kaemon s’interdisait toujours de la regarder. Durant un instant, ils demeurèrent tous deux prostrés, silencieux. Puis, la jeune femme se risqua à prononcer une parole ; malencontreuse. Etrangement, Kaemon ne réagit pas comme il l’aurait cru. Sa colère s’était évanouie avec les paroles de Cho pour laisser place à un sentiment qu’il pensait ne plus jamais éprouver : la peur. Il n’y avait vraiment qu’elle capable de le mettre dans un tel état... Que faisait-elle là ? Ce ne pouvait être une coïncidence… cela voudrait dire qu’elle était là pour lui ? Pourquoi ? Qu’allait-elle lui faire cette fois-ci ? Est-ce qu’il existait quelque chose de pire encore ? Aux yeux de Kaemon cette jeune femme était capable de tout, et elle lui avait déjà tout fait. Elle n’aurait pas pu s’y prendre mieux pour le détruire. Le jeune homme croyait en avoir finit à jamais avec Cho, même si dans le vrai il ne pouvait l’oublier. Comment aurait-il pu… Il ne pensait pas la revoir un jour et encore moins dans pareil endroit. Avait-elle choisit ces lieux précisément pour leur aspect sordide et terrifiant ? Décors de circonstance pour frapper une seconde fois ? Il avait été faible la première fois, il ne reproduirait pas la même erreur aujourd’hui. Il ne la laisserait pas le frapper sans réagir. Bien sûr qu’il lui en voulait, c’était même au delà de ça. Pour la première fois de sa vie sans doute, Kaemon éprouvait la furieuse envie de se venger. Un sentiment que d’ordinaire il exécrait, mais qui à ce moment précis s’imposait à tout autre chose dans son esprit tourmenté. Ses honorables opinions étaient bien loin derrière lui, pour l’heure il ne pensait qu’à elle, à ce qu’elle serait capable de faire et à ce qu’il devait faire pour éviter qu’elle ne le fasse – quand bien même il lui faudrait prendre les devants et aller à l’encontre de toutes ses positions. Lentement, Kaemon leva les yeux sur Cho.

- "Mais quoi Cho ?! As-tu seulement idée de ce par quoi je suis passé à cause de toi ? A cause de ton odieux mensonge ? Tu ne t’en doute peut-être pas ou alors tu ne le sais que trop bien… Cela m’aura permis une chose toutefois : à devenir méprisable. Il faut dire que j’ai eu un fameux exemple. Alors Cho, quelque soit la raison pour laquelle tu es venue, je te dirais de dégager, et si par bêtise tu décidais de ne pas faire ce que je te dis, tu peux être sûr que je m’en chargerais personnellement, quitte à ce que tu passes morte les portes de cette baraque."

Il ne l’avait pas quitté des yeux une seule seconde, s’appliquant à faire passer tout son mépris dans son regard. Il n’avait cependant pas bouger d’un pouce comme si il craignait qu’un geste trop brusque de sa part ne déclencha un mécanisme aveugle capable de l’achever sur le coup, sans même qu’il n’est eu l’occasion de se défendre.

- "Tu n’aurais jamais dû venir ici. Repars tant qu’il en est encore tant."

En réalité Kaemon était partagé entre deux sentiments. D’un côté il désirait la voir s’en aller le plus loin de lui et le plus tôt serait le mieux, d’un autre il était tenté de profiter de sa présence pour lui faire payer sa trahison… Après tout, ces années d’errances l’avait considérablement endurci, il ne ressemblait plus en rien au garçon naïf et illusionné qu’elle avait piégé, ce serait sûrement plus facile, ou moins ardu. A tenir compte aussi du fait qu’aujourd’hui l’amour ne l’aveugle plus, seul la haine.

» Dans la marche du temps, qu'est-ce qui nous tue ? Le tic ou le tac ?
» Gaby, l'ami des tout petits...
» Nan, sérieux... tout ça pour ça ?
» onésime •• lorsqu'on a plus rien à perdre, on a tout à gagner.
» znc ♦ le coup le plus rusé que le diable ait réussi, c'est de convaincre tout le monde qu'il existe pas.