Petite bulle d'écume... [Anouk]

Tickyness : 642 Topic : 3/3 Ticky ? : You suck !

Kaemon avait les mains en sang. De rage il avait battu ce mur après avoir tragiquement constaté la disparition de sa réserve. Perte tragique, oui. Sa cachette secrète n’était plus. Quelqu’un avait découverte la cachette aux merveilles et avait volé le trésor qu’elle protégeait jalousement. L’hystéro avait retourné toute la pièce, mais il n’y avait là aucune trace du forfait. Il avait éventré les oreillers, renversé les armoires, tordu les lits d’infortune ; sans nul doute la disparition de sa précieuse came le mettait hors de lui. Comme beaucoup d’autres choses semblait-il… son instabilité avait conduit plusieurs fois à le diagnostiquer de fou. Lui, dirait plutôt qu’il est un incompris. Pour lui, ce sont les autres, les véritables fous. Une affaire qui aurait vite fait de vous rendre fou-vous même ! Puis, passant d’un extrême à l’autre Kaemon s’était mis à rire. Il s’était effondré sur un petit lit méchamment cabossé par ses soins et il s’était mis à rire. Rire, comme un fou -qu’il était ou qu’il n’était pas. Cette chambre n’était pas celle dans laquelle il était entré quelques jours auparavant. Il avait caché sa came à un autre endroit, entre le sommier et le matelas d’un lit situé dans une autre chambre. Dans une autre localité lointaine. Le jeune homme ria de dépits quelques bonnes secondes encore, puis se releva. Doucement il traversa la pièce, dans l’attention d’en sortir et de se mettre à la recherche de la bonne chambre lorsque quelque chose retint son attention. Une petite valise. Accroché à la poignée, une petite étiquette sur laquelle on pouvait lire « propriété d’Ahren Strauss ». Comme si cela allait dissuader les curieux.

- Navré gars, j’ai fais un peu de ménage ici…

Si le gars en question venait à lui tomber dessus, il serait certainement furieux et s’en suivrait peut-être quelques paroles de mépris. Tant pis… Kaemon n’était plus à ça prêt. Il était un objet de mépris pour beaucoup d’autre et il leur rendait bien. Sur ce, le japonais quitta la pièce sans même songer à la remettre quelque peu en état. L’autre n’aura qu’à se démerder. Une fois dans le couloir, Kaemon considéra quelques instants les différentes portes qui lui faisaient face. Finalement, il ouvrit la troisième, sur sa droite. Ne cherchez pas, il n’y a aucune explication logique à ce choix. Ou plutôt si, il y en a une, mais la logique de ce jeune homme est bien différente de la vôtre. Toujours est-il que la porte que venait d’ouvrir le jeune homme donnait sur une somptueuse salle de bain. Un peu trop rococo au goût du japonais mais somptueuse tout de même, cela ne pouvait être contredit. Depuis combien de temps le jeune homme n’avait pas touché une seule goutte d’eau ?Assurément, depuis bien trop longtemps… Les miroirs de la pièce lui renvoyaient l’image d’un véritable craspec. Alors, en un temps record, Kaemon envoya promener ses godasses, retira son t-shirt, déboutonna son jean, jusqu’à se retrouver entièrement nu. Ceci fait, il enjamba ses vêtements et se dirigea vers le bord de la baignoire. Jamais il n’en avait vu une aussi grande. Elle s’apparentait plus à la piscine qu’à la baignoire en fin de compte. Kaemon ouvrit les robinets et attendit. Il n’en fallait pas moins de douze pour remplir cette immense cuve. Puis, le jeune homme pénétra dans la baignoire. Il se détendit au contact de l’eau chaude et sa colère était à présent bien loin derrière lui. Lentement, Kaemon ferma les yeux, retint son souffle et s’immergea dans l’eau, les cheveux étalés en éventail à la surface. Il replia ses jambes contre son torse et nicha la tête dans le creux de ses bras. Il aimait cette sensation. Il ne voyait rien. Il n’entendait rien. Tout était absent, oublié, l’espace d’un instant. Un peu comme si il était camé où bien comme si il était redevenu un petit être adultère dans la poche amniotique de sa mère ; innocent et inconscient. Il resta deux minutes dans cette position jusqu’à ce que le manque d’air l’oblige à sortir la tête de l’eau. Doucement, les rouages du cerveau se remettent en marche et avec ça la conscience du monde qui l’entoure. Ce n’était qu’un court passage à vide, l’implacable réalité nous rattrape toujours...

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Aujourd'hui, Anouk s'ennuyait ferme. Rien ne venait perturber son quotidien presque trop usuel à son goût au sein du manoir. Elle était donc assise, face aux écrans de surveillance à guetter quelque chose, quelqu'un qui pourrait l'intéresser un minimum. Elle faisait cela souvent même si aujourd'hui rien n'attirait spécialement ses doux yeux bleus. Et puis soudain, elle remarqua quelque chose qui la fit sourire. Un homme, fou de rage apparemment, qui retournait entièrement une chambre. Elle resta un moment à observer sa crise de folie, son sourire s'élargissant à mesure qu'il renversait les meubles et mettait la chambre sens dessus dessous. En fronçant légèrement les sourcils, elle tenta de se souvenir qui était ce candidat colérique. Un schizophrène échappé d'un asile ? Un cocu fou de rage ? Un homme qui a gagné au loto et recherche son ticket gagnant ? Cet homme avait au moins eu le mérite de l'occuper un instant et il méritait pour cela qu'elle vienne lui rendre une petite visite. Alors qu'elle était perdue dans ses pensées, il s'arrêta soudainement et se mit à rire. De plus en plus intéressant. Anouk alluma une cigarette et commença à farfouiller dans un tiroir où Ticky et elle avaient réuni diverses informations sur les candidats. Elle se mit donc en quête du dossier de ce petit asiatique légèrement dérangé, s'asseyant par terre pour se mettre à l'aise. Au bout de quelques minutes, elle le trouva enfin. Kaemon Yamaguchi. 21 ans, Japonais. Oui, bon, jusque là rien de bien palpitant. Son regard balaya le dossier avant qu'un sourire éclaire à nouveau son visage. Alors comme ça il avait un problème avec la drogue. Ça expliquait tout ce petit cirque. Monsieur serait-il en manque ? Elle se releva et remarqua qu'il avait quitté la chambre qu'il avait bien pris soin de massacrer. Elle ne mit pas longtemps à le retrouver sur les caméras de surveillance et arqua un sourcil en remarquant qu'il était à présent dans la salle de bains. Pas tant en manque que cela, le junkie. Mais il méritait tout de même qu'elle aille lui rendre une petite visite... De toute façon, elle n'avait rien de mieux à faire.

Elle descendit jusqu'au premier étage, celui des candidats les moins convaincus par le jeu mais aussi celui où se trouvait chambres et salles de bains. Le tout plus ou moins piégé et où les clowns avaient des accès directs. Quoi de mieux après tout pour effrayer les jeunes filles en fleur que d'apparaître face à elles en plein milieu de leur nuit ? En plus, ces idiots s'enfermaient la plupart du temps, pensant que cela serait suffisant. Cet homme aurait certainement fait de même pour la salle de bains mais qu'importe... Elle ouvrit une porte qui la mena à un couloir sombre. Mais elle n'avait rien à craindre ici, d'ailleurs, elle n'avait jamais rien craint, encore moins le noir et les rencontres inattendues. Anouk, en bonne clown, connaissait aussi le chemin comme sa poche et posa l'oreille contre une porte, vérifiant au passage si l'homme était toujours là, toujours seul et surtout toujours vivant. Il aurait été dommage qu'un de ses confrères l'ait devancée... Elle ouvrit la porte et pénétra dans la pièce sans un bruit. La baignoire était remplie et elle s'approcha pour s'asseoir au bord de celle-ci. Elle regarda l'homme qui s'était allongé sous l'eau. Au moins, il était toujours vivant, espérons qu'il ne songe pas à mettre fin à ses jours. Cela aurait été fort dommage de se tuer alors que la fille de Ticky en personne s'était déplacée pour venir le voir. Elle décida cependant d'attendre patiemment qu'il étouffe ou qu'il refasse surface et alluma une nouvelle fois une cigarette pour tuer le temps. Elle resta donc ainsi à attendre, patiemment. Et puis, elle l'entendit remonter, reprendre son souffle et elle se tourna vers lui avec un sourire puis tira sur sa cigarette avant de lui lancer :

"Un bon bain chasse toujours les plus vilaines idées..."

Anouk ne put retenir un sourire macabre en se rappelant d'une vieille qu'elle avait liquidé. Cette bonne femme répétait cette phrase lorsqu'elle guérissait ses enfants en leur mettant la tête sous l'eau. La clown n'en ferait pas de même avec ce Kaemon, ce ne serait pas très marrant en plus, il ne comprendrait pas le sous-entendu. Du moins pas aussi bien que cette vieille. La jeune fille se leva et se tourna vers lui pour demander :

"Est-ce que celui-ci t'a soulagé, Kaemon ?"

Elle commença à faire les cent pas en continuant :

"Est-ce qu'il a chassé toutes les vilaines petites pensées qui traînaient dans ton esprit ?"

Elle s'approcha à nouveau avec un large sourire et sortit quelque chose de sa poche. Un petit sachet, celui-là même qu'il cherchait peu avant et qu'elle avait récupéré au passage. Elle arqua un sourcil et demanda :

"Ou pas ?"

Avant même qu'il puisse avoir le temps de le récupérer, elle referma sa main et s'éloigna.

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"Un bon bain chasse toujours les plus vilaines idées..."

"Est-ce qu'il a chassé toutes les vilaines petites pensées qui traînaient dans ton esprit ?"

"Ou pas ?"

« Qu’est ce que tu sais d’autre sur moi ? »

« Qu’on se le dise tout de suite, que faudra t-il que je fasse pour récupérer ma came ?! »

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Anouk savait parfaitement que son petit tour de passe passe déplairait fortement au jeune homme. Et justement, c'était ce qui rendait le tout amusant. S'il n'avait pas été surpris ou effrayé de retrouver une inconnue dans la salle de bains où il faisait le point, il s'était montré bien plus tendu quand il avait été question de sa came. La clown ne put retenir un sourire en le voyant sortir de son bain, visiblement sur les nerfs. Il n'avait pas forcément envie de jouer avec elle. Mais il ne savait pas que ce que voulait la fille de Ticky, elle l'aurait. Et il était toujours plus amusant de jouer avec quelqu'un de récalcitrant, d'autant plus qu'elle n'avait pas envie de s'en prendre à lui. Non, il souffrirait bien assez sans qu'elle ait nullement besoin de le torturer physiquement. Anouk avait envie de faire de son séjour ici un véritable enfer, ni plus, ni moins. Elle l'observa un instant, silencieuse, attendant qu'il s'exprime en se souciant bien peu du fait qu'il soit face à elle dans son plus simple appareil. Elle avait bien mieux à penser, comme toujours d'ailleurs. Elle s'était adossée contre le mur, attendant patiemment qu'il sorte de son mutisme. Et puis, il parla. Une question simple qui arracha un léger rire à l'adolescente. Elle s'approcha ensuite de lui, le fixant d'un air intrigué avant de poser sa main sur son épaule et aller souffler à son oreille :

"Tellement... et si peu..."

On ne pouvait jamais rien connaître sur personne. La meilleure preuve restait encore cette clown elle-même. Elle aurait pu faire croire à n'importe qui qu'elle était une adolescente parfaitement normale, une peste invétérée ou encore une sainte Nitouche. Elle était tout et rien à la fois. Alors, elle était bien placée pour savoir que connaître le nom de quelqu'un n'avait pas une grande utilité, plus encore dans le monde de Ticky et comparses. Néanmoins, elle savait que cela avait énormément d'importance pour les gens normaux. Kaemon, lui, restait impassible mais elle savait qu'elle détenait un argument de choix. Aussi sourit-elle en s'écartant pour le regarder dans les yeux et lâcher :

"Mais suffisamment, apparemment..."

Elle arqua un sourcil. Il s'éloigna ensuite pour se rendre vers le lavabo. En un mot, il faisait son maximum pour ne pas avoir l'air perturbé par la présence d'Anouk. S'il savait à qui il avait affaire, peut-être ne serait-il pas aussi cool. Ça aurait presque pu agacer la clown si elle ne trouvait pas ceci horriblement intriguant. Après tout, ce n'était pas si souvent que cela qu'elle tombait sur un candidat un poil coriace ou qui, du moins, tentait de l'être. C'était donc toujours aussi amusant d'en trouver un. Assez pour ne pas achever sa pénible existence trop vite, en tout cas. La fille de Ticky sourit à sa question et croisa les bras en le regardant se brosser les dents. Elle répondit d'un ton impassible :

"Et qu'est-ce qui te fait croire que je voudrais te la rendre ?"

Elle n'en avait pas franchement envie surtout qu'elle se doutait bien qu'il ne pourrait pas en retrouver facilement ici. Tout ceci promettait d'être un spectacle réjouissant pour la clown : le voir se débattre avec sa dépendance, jour après jour. Une souffrance de chaque instant, psychique et physique. Elle n'aurait rien pu demander de mieux. Alors, elle ne la lui rendrait sûrement pas, peu importait la façon dont il lui demanderait voire lui ordonnerait cela. Elle s'adossa de nouveau contre le mur et entreprit d'allumer une nouvelle cigarette.

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Pour le moment, Kaemon pouvait se contrôler, la descente n’était pas pour tout de suite. Mais cette dernière arriverait indéniablement et si il n’avait rien pour rattraper le coup il se trouverait bien mal. Il survivrait, parce que après tout il était plus fort que la drogue, mais il ne payerait pas de mine. C’est sûrement ça qu’elle attendait… le voir se rouler par terre, victime de violente crampe d’estomac. La souffrance des autres devait l’amuser. Voir plus, la contenter. La jeune femme était certainement de ceux qui recherche le pouvoir. De ceux qui doivent absolument enfoncer les autres pour se sentir supérieur. De ceux qui au fond, on tellement besoin des autres… Un souverain sans ses sujets à commander n’est rien ; la sois disant importance d’une personne ne prend sens qu’en comparaison avec les autres hommes. Kaemon ne lui ferait pas ce plaisir de s’énerver. Il ne lui laisserait pas penser qu’elle peut le dominer, le contrôler à sa guise. Pour ce qui est de la came, il verrait bien. Il chercherait dans la maison, il en avait déjà trouvé auparavant. Se casser est la meilleure chose qu’il pouvait faire pour toucher son orgueil. Montrer qu’elle ne détenait aucun pouvoir sur lui, que la supériorité qu’elle revendiquait ne marchait pas avec lui. Kaemon abandonna sa brosse à dent au fond de l’évier, se rinça la bouche et se tourna vers la jeune femme :

« J’suis d’humeur généreuse, j’te la donne… prends ton pied ! »

Bien entendu, ça lui faisait mal au tripes de dire ça, mais le sourire satisfaisant qu’affichait la jeune femme lui était tout bonnement insupportable. Il venait d’inverser la situation, cela n’allait sûrement pas lui plaire. Tant mieux. Elle n’avait aucune emprise sur Kaemon, personne n’en avait. Le japonais se détourna de la jeune femme et prit la direction de la sortie. Il retourna dans la chambre qu’il avait saccagé et se dirigea vers la valise marquée sous la propriété d’Ahren Strauss. En quelques secondes il se retrouva avec des fringues propres sur le dos. Le voilà revenu au point de départ. Toujours dans ce foutu manoir à tourner en rond. Il repensait malgré lui à cette inconnue qui lui avait prit sa came. La poisse. Il pouvait vivre sans drogue, mais il le vivait plutôt mal. La jeune femme serait un jour ou l’autre en position de force et sa vanité serait assurée. Mieux valait éviter ça et couper court tout de suite. Kaemon regagna la salle de bain. Elle était toujours là, adossée au mur, portant sa clope entre ses lèvres. Il s’avança à sa hauteur et tira sur la cigarette qu’elle tenait entre ses doigts. Puis, il écrasa cette dernière sur l’épaule nue de la jeune femme avant de lui susurré en s’approchant de son oreille :

« Tu veux jouer c’est bien c’la ? »

Kaemon éloigna ensuite la cigarette incandescente du corps de la jeune femme et la jeta au loin. Il bloqua son poignet afin qu’elle ne puisse pas dégager son épaule et considéra quelques instant la tâche rouge qui y était apparu. Puis, il vint poser sa deuxième main sur le cou de la belle et la colla un peu plus contre le mur.

« On va se fendre la poire… compte là dessus »

Il ne voulait pas lui faire du mal, pas plus que cette maigre brûlure en tout cas. Il voulait juste la prendre à son propre jeu. La blesser dans son orgueil, devenir l’espace d’un temps défini comme elle, comme eux. Devenir ceux qu’il déteste et qu’il s’est toujours refusé d’être. Vaincre le mal par le mal.

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Anouk fronça légèrement les sourcils en entendant sa réponse. Elle ne s'attendait pas à cela. Ces simples mots avaient dû lui brûler la langue. Cette seule pensée aurait d'ordinaire pu la réjouir mais, bizarrement, elle aurait voulu qu'il ait un peu plus de répondant. Non, savoir qu'il allait en baver d'ici quelques heures seulement et qu'elle serait là pour l'entendre la supplier ne la réjouissait pas. Elle aurait voulu qu'il le fasse dès à présent. Qu'il s'enflamme, qu'il montre son véritable visage dès à présent. Quitte à se brûler les ailes, toucher du bout des doigts son propre enfer. Mais il n'en fit rien, se contentant de quitter la salle de bains, laissant derrière lui une clown contrariée au plus haut point. Elle ruminait sa colère, décidée à ne pas lâcher cet espèce de type arrogant. Elle serait là, au premier rang pour assister à sa déchéance et s'en délecterait. Elle voulait qu'il souffre, qu'il morde la poussière. Elle resta donc là, sans trop savoir pourquoi elle préférait songer à l'avenir de ce pauvre Kaemon au sein du jeu appuyée contre ce mur froid plutôt qu'en errant dans les couloirs, disparaissant presque aussitôt comme si rien de ce qu'il avait fait ne l'avait marquée plus que cela. Et puis, il réapparut dans la salle de bains avec des vêtements tout frais sur le dos. Anouk ne put retenir un léger sourire, à la fois surprise et réjouie par son retour, comme l'aurait été une amante éconduite voyant son amoureux revenir en courant. Néanmoins, s'il revenait, ce n'était pas par plaisir mais bien par pur défi. Et cette seule idée réjouissait la fille de Ticky. Enfin, il agissait. Au fond, c'était la seule manière de sauver sa peau ici, même s'il se refusait certainement pour le moment à l'admettre.

Elle l'observa s'approcher d'elle, d'un air mi-intrigué, mi-amusé. Elle ne broncha pas quand il lui prit sa cigarette ni quand il tira dessus. Que s'imaginait-il ? Qu'il allait l'impressionner aussi facilement ? Si elle n'attendait pas de voir son prochain coup, Anouk aurait été tentée d'éclater littéralement de rire. Mais elle n'en aurait de toute façon pas eu le temps puisqu'il écrasa la cigarette incandescente sur son épaule nue. Elle se raidit sous la douleur provoquée par la brûlure. Elle était peut-être insensible à la douleur d'autrui, mais pas à la sienne. Mais elle était tout de même douée pour passer outre et serra les dents pour ne pas lui faire le plaisir de gémir de douleur. Elle se laissait faire, pour le moment du moins, mais n'était pas une de ces filles faibles qu'il devait sûrement avoir l'habitude de fréquenter. Elle sourit en l'entendant murmurer à son oreille. Jouer ? Avec plaisir. Elle ne dirait jamais non à cela, plus encore si jouer rimait avec souffrance, pleurs et malheur. La clown ne fit donc rien pour se défaire de son étreinte, bien trop curieuse de voir ce qu'il allait faire ensuite. Il avait sûrement déjà dépassé les limites qu'il s'était fixées mais une question demeurait du coup : jusqu'où irait-il ? Anouk mourait d'envie de le savoir... Son sourire s'élargit donc lorsqu'il posa sa main sur son cou, l'obligeant du même coup à se coller plus contre le mur. Elle savait qu'il ne tenterait rien. Il n'était pas prêt. Pas encore, du moins. Les meurtriers, elle en avait fréquenté beaucoup. Elle en avait même formé certains. Kaemon n'irait pas plus loin que la menace et en venir à ce point le rendait certainement déjà malade. La clown se mit alors à rire, montrant du même coup à son adversaire qu'il ne pourrait rien contre elle. Les yeux rivés dans les siens, elle lui demanda d'un ton froid :

"Tu veux jouer ? J'attends, que vas-tu faire ? Me tuer ?"

Elle sourit et posa sa main sur celle de Kaemon, avant de la repousser avec force. Elle fronça les sourcils et lança :

"On sait tous les deux que tu n'en es pas capable..."

Et c'était fort dommage. Non pas qu'elle souhaitait mourir mais voir cette lueur meurtrière dans ses yeux aurait ravi la jeune femme. Allez savoir pourquoi... Peut-être espérait-elle réveiller ce mauvais côté qui dormait en lui ? Peu importait, de toute manière. Seul l'instant présent importait. Elle soupira et répéta calmement :

"Alors, que comptes-tu faire ?"

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« Tu veux jouer ? J'attends, que vas-tu faire ? Me tuer ? » Répondit la jeune femme tout en se dégageant de l’emprise de Kaemon.

« Est-ce la menace avec laquelle tu rends dociles tes victimes ? La mort ? La mort ne m’effraie pas, par contre tes paroles laissent à penser que toi, si. Alors, penses-tu toi aussi que la mort est le point d’orgue de l’épouvante? »

Sans doute s’imagine t-elle que la mort effraie Kaemon ? Sans doute pense t-elle que sa vie lui ai précieuse ? La petite connaît bien la chanson, mais avec Kaemon elle va devoir revoir ses classiques. La jeune femme désire voir sa victime ramper sous le poids de ses promesses de mort… cette soumission lui procurant alors un sentiment jouissif de toute puissance, ultime détentrice du destin de sa proie. Cette technique n’est pas mauvaise… pour peu qu’on l’applique sur des personnes totalement illusionnées et superstitieuses. Mais, malheureusement pour elle, Kaemon n’est pas comme ça. La belle aura beau persifler les plus sombres menaces, il ne rampera jamais à ses pieds, elle n’aura aucune influence sur lui. Et ce, justement parce que le jeune asiatique est loin d’être illusionné et superstitieux… bien au contraire. Il n’a pas à craindre de la mort, car il sait qu’il n’y a point d’enfer ni de Diable invnisible pas plus qu’il n’y a de paradis et de Dieu tout glorieux. Les gens qui ont peur de la mort sont ceux qui redoutent l’inconnu et la solitude, sans personne pour les guider et leur expliquer comment faire.

« On sait tous les deux que tu n'en es pas capable... Alors, que comptes-tu faire ? »

Les yeux du jeune homme plantés dans ceux de la jeune femme, ils se crachaient mutuellement leur venin, sans vraiment savoir pourquoi au bout du compte… Elle était bien jeune mais son regard était empreint d’un vécu d’une personne de quarante ans d’âge qui avait apprit au fil des années que la haine apportait bien moins de déception que l’amour. Apprentissage douloureux que Kaemon connaissait bien… Le jeune asiatique lâcha enfin le poignet de la jeune femme et remonta lentement le long de sa cuisse pour atteindre finalement la poche de son jean. De sa main libre, il la bloqua de nouveau contre le mur afin d’éviter qu’elle ne bougea lorsqu’il fit entrer ses doigts dans sa poche gauche. Bientôt, il extirpa le sachet de cam du pantalon de la jeune femme et le logea dans la poche arrière du sien. Tout aussitôt il ramena sa main droite autour du poignet de la jeune femme et planta de nouveau son regard dans le sien. Il s’avança doucement pour lui souffler à l’oreille :

« Merci beaucoup… »

Ensuite, Il inclina légèrement la tête jusqu’à ce que sa bouche frôle le l’aube d’oreille de la revêche adolescente et enfoui sa tête brune un peu plus dans le creux de son cou. Il promena ainsi sa tête jusqu’à son épaule nue et, s’arrêta lorsque ses lèvres rencontrèrent la brûlure de cigarette. Doucement il se recula du corps de la jeune femme, retira ses mains et fit volte face. Mais, alors qu’il traversait la salle de bain, un bruit étrange en direction de la bagnoire lui fit tourner la tête. Les nombreux robinets s’étaient mis à couler d’eux même, remplissant un peu plus le bain qui menaçait de déborder. Kaemon recula d’un pas, ce n’était pas de l’eau qui sortait des robinets mais bel et bien…un rouge sang ! La rougeur et la hideur du sang qui bientôt sortit de son lit pour s’étirer jusque sur les sols de la salle de bain et tremper les pieds nus de Kaemon qui lâcha un juron dans sa langue natale. Quelqu’un, quelque part dans le grand manoir venait de finir en viande hachée. L’asiatique observa la chute du canard en plastique entraîné par les eaux sanglantes au dehors de son bassin. Une chose était sûre : ce n’était pas lui qui menait le jeu.

« Apparemment tu as plus d’imagination et plus de cartes en main que moi… mais qu’on se le dise de suite, je peux me montrer très mauvais joueur… »

Dit-il à l’intention de Anouk.

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Anouk fixa Kaemon un instant avant de sourire. Que croyait-il au juste ? Que sa seule arme était la mort ? Eh bien, il sous-estimait vraiment non seulement elle mais également tous les clowns que son père avait pu trouver et réunir dans ce château. Mais, à croire qu'elle était dans son jour de grâce, elle ne lui tiendrait pas rigueur de son manque de respect. Pas encore, du moins... Non pas encore, ce type avait un certain potentiel. Non, elle ne voulait pas en faire un clown ou quelque chose dans ce goût-là. Sûrement pas, ces choses-là étaient réservées à une élite, à des gens qui avaient un peu plus de classe et de foi que ce genre de mecs. Seulement, elle voulait s'amuser un peu et elle savait qu'il ne serait pas du genre à se laisser faire en hurlant, pleurant ou soupirant. Il aurait été dommage de lui trancher la carotide ou le poignarder dans cette salle de bains, quand bien même agir de la sorte était si facile pour Anouk. Non, elle voulait prendre son temps, savourer, déguster, prendre son pied, appelez ça comme vous voulez, tant que vous comprenez le concept. Elle le fixa sans broncher, aussi docile qu'un petit poussin, chose qui lui ressemblait si peu. En même temps, elle ressemblait si peu à elle-même qu'il était difficile pour quiconque de la connaître véritablement. Mais une chose était sure, Anouk était tout sauf une gentille fille et une chose était sûre, il ne fallait pas lui chercher trop longtemps des poux même si on avait droit au statut de jouet de madame. Elle ne put s'empêcher de sourire au bout d'un instant, songeant à ce pauvre Kaemon. Qu'était-il au fond ? Un raté. Alors, bien sûr que la mort ne lui faisait pas peur. Il n'avait rien à perdre... La seule chose que la faucheuse lui apporterait serait la délivrance, la délivrance de sa pathétique vie. Plus de fardeau à porter. Rien que pour cela, il méritait qu'elle le laisse en vie. Rien que pour cela, il était la meilleure source d'amusement qu'elle pourrait trouver dans ce manoir.

Anouk ne broncha pas non plus quand l'asiatique la plaqua contre le mur une fois de plus et balada ses mains où bon lui semblait pour récupérer sa drogue. Elle se contenta de sourire quand il la remercia. Il croyait franchement que ça serait aussi facile ? Oh ça non, elle ne le laisserait pas repartir aussi aisément. Son sourire s'élargit alors que le jeune homme, s'éloignant vers la sortie, fut interrompu par un bruit étrange. Elle-même ne savait pas à quoi s'attendre aussi fut-elle impressionnée de voir du sang couler dans les robinets. Visiblement un clown quelque part ici avait de l'imagination à revendre et désirait terroriser bien des candidats d'un coup. Mais l'heure n'était pas à l'admiration de ses confrères, non, elle avait quelque chose de plus important et de plus distrayant à faire. Elle replongea son regard dans celui de Kaemon et, en entendant sa menace, eut un léger sourire. Mauvais joueur ? Ouh, devait-elle avoir peur ? Qui était-il au fond ? Un vulgaire marin d'eau douce qui voulait naviguer en mer et rivaliser avec les plus grands. Risible. Elle se redressa et avança vers lui en répondant :

"Mais le jeu auquel tu joues n'a pas de règles et tu n'imagines même pas à quel genre de mauvais joueur tu pourras te frotter ici..."

En arrivant à sa hauteur, elle leva les yeux pour les planter dans les siens et dire sur un ton égal :

"Alors, laisse-moi te donner un conseil : jette ce que tu m'as pris."

Elle ne le lâcha pas du regard, sachant pertinemment qu'il douterait de ses propos. Et c'était précisément ce qu'elle voulait, le réduisant par la même à n'être que de la vulgaire pâtée pour chiens qui se détesterait elle-même.

Tickyness : 642 Topic : 3/3 Ticky ? : You suck !

Un jeu, mortel, qui n’accepterait qu’un vainqueur. Un jeu qui n’avait de limites que celles que l’on donnait à la folie. Autrement dit, aucune. Un jeu où tous les coups étaient permis. Un jeu qui n’avait bel et bien aucune règle, tel que l’avait souligné la jeune femme ; c’était à celui qui se montrerait le plus malhonnête et le plus cruel. Un troupeau de pauvres âmes s’épanchant dans les litres de sang. Sur ce plan, Kaemon ne gagnerait pas. Il n’avait même aucune envie de participer à cette démonstration de folie et de déchéance humaine. Il regrettait au plus haut point de s’être inscrit à ce jeu odieux. Jouer au dur ne lui ressemblait pas, la jeune femme semblait l’avoir compris et se délectait dans son petit jeu de perversion. Il lui fallait toutefois se défendre face à l’importune et ne pas se laisser marcher sur les pieds. Pas question donc, qu’il lui rende ce qu’il lui appartenait. Il ne lui devait rien. Absolument rien. Elle prenait un malin plaisir à jouer avec la peur de ses victimes, obtenant ainsi tous ce qu’elle désirait de ces proies terrifiées. Malheureusement pour elle, Kaemon n’était pas terrifié et son petit jeu d’intimidation ne marchait pas avec lui. Cette came était la sienne et il comptait bien la garder. Ce ne serait pas pour lui plaire et elle se rebellerait certainement, blesser dans son autorité, dans son orgueil.
Elle était si jeune pourtant… qu’avait-il bien pu lui arriver ? Quel que soit le malheur qu’elle avait rencontré où la manière avec laquelle on l’avait traité, Kaemon n’aimait pas sa manière d’agir au présent. Il l’aurait presque pris en pitié sans quoi. Mais elle ne semblait pas innocente, bien au contraire. Malgré ses beaux yeux et son visage juvénile encore, elle était bel et bien une ordure originelle. Kaemon aurait pu en douter si il avait rencontré la jeune femme dans un autre endroit, pensant qu’elle n’était rien d’autre qu’une ado perdue, mais dans ce manoir loufoque elle ne pouvait en être autrement. De plus, elle n’avait pas bronché lorsque la baignoire s’était mise à cracher son venin rouge, preuve de son habitude et de sa parfaite culpabilité. On ne pouvait pas en dire de même pour Kaemon qui était à présent pris de nausée à la vue de tant de sang, répandu sur une surface aussi considérable. Le japonais se cramponna au lavabo à ses côtés pour éviter de vaciller. Il regarda la jeune adolescente qui lui faisait face et s’apprêtait à répliquer, lorsque le robinet de l’évier sur lequel il venait de prendre appui se mit lui aussi en marche, déversant toujours un peu plus de sang.

- Merde !!

Le japonais se recula, ses pieds nus pataugeant dans la marre rouge qui progressait dans la salle de bain. Kaemon s’efforça de ne pas penser à ce qu’il se passait dans une localité attenante, sans quoi il gerberait pour le coup. Mais une pensée lui traversa tout de même l’esprit, effrayante. Et si, tout ces litres de sang étaient versés en réponse à son indocilité ? Et si, de tierces personnes subissaient les conséquences de sa rébellion ? Et si, il était responsable de la mort de ces gens ? Et si, il était devenu un meurtrier malgré lui ? Dans ces quels cas il ferait mieux de donner sa came à la jeune femme… Mais il en était incapable. Il ne voulait pas perdre la face et la contenter… la conforter dans un sentiment de pouvoir indu. Au fond ils avaient au moins un point commun : ils étaient tout deux orgueilleux… Quand bien même l’orgueil de Kaemon coûtait peut-être la vie de nombreuses personnes, au vue du nombre de litres de sang déversé… Mais était-ce réellement sa faute ? Ce n’était pas lui qui portait le coup tout de même… S’avouer vaincu et rendre la came à la jeune femme serait encourager et donner crédit à leurs pratiques monstrueuses… Il était piégé de quelque manière que ce soit ; mais refusait toujours obstinément de s’avouer vaincu et de rendre les armes. Jamais.

- Va te faire foutre !

Kaemon fit volte face et se dirigea vers la porte de sortie. Mais, désagréable surprise lorsqu’il posa la main sur la poignet : elle était mystérieusement fermée à clef. Preuve supplémentaire que ce n’était pas lui qui menait le jeu. Certains devaient s’amuser beaucoup plus que lui à ce moment même… à commencer par l’importune qui l’avait tiré de son bain quelques minutes auparavant. Le jeune homme s’efforça se garder un minimum de calme, conscient qu’une démonstration de panique de sa part ne ferait que renforcer le piège. Inexorablement.
S’adossant contre la porte, dans une attitude qui se voulait la plus nonchalante possible en dépit de la frustration qui s’emparait de lui à chaque minute , il ramena son regard sur la jeune femme.

- Ok et maintenant ?
Quel nouveau tour de force vont nous faire tes amis ?! Surprise, surprise… hmm ?

Kaemon inspira profondément pour maintenir son calme, tentant d’oublier le sang qui lui chatouillait à présent les chevilles. C’est alors que les lumières de la salle de bains s’éteignirent toutes de concert, plongeant la pièce dans l’obscurité la plus totale… où seule résonnait le bruit des lavabos …

- Super…

Spoiler:

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